L'instinct et l'instant
Je profite de la photo à chaque moment de temps libre, à chaque journée où les rayons de soleil décident de jouer avec l'architecture de cette ville.
C’était un lundi, le 16 mars plus exactement.
Une journée différente puisque je n’avais rien de prévu. Pas de spot défini, aucune collab’ à l’horizon. J’attrape mon appareil photo, deux tours de sangle autour de la main, pass navigo en poche, sigma 35mm sur le boîtier et canon 10-18 dans le sac. C’est parti.
Si l'on grossit les traits, si l’on caricature et si l’on pousse l’hypothèse a son paroxysme, un photographe urbain à deux choix, ou plutôt deux mode de fonctionnement.
Le premier est celui d'avoir un plan fixe. On repère un spot, un cadre, une situation et on s’arme de la plus belle des qualités, la patience. On ne bouge plus, on reste immobile à la recherche de la scène parfaite, d’une émotion particulière.
Le second est différent, c’est celui d’avancer, de faire le choix de ne jamais se retourner. On marche tout droit, on tourne, droite, puis gauche. Dans cette situation, tu fais de l’intuition ta meilleure amie.
Aujourd’hui malheureusement, l'inspiration s’envole, elle m'a carrément laissé tomber.
J'écume les kilomètres et les heures passent. La nuit tombe, le soleil se couche et Paris change de visage. Le feu s'empare du ciel, il en prend littéralement possession. Je décide de rester immobile quelques minutes, de me saisir des lieux. L'endroit est vivant, c'est l'heure de pointe. Métro Bir-Hakeim, à deux pas d’un café, entre un trottoir, une piste cyclable et d’une bouche d’égout qui se met à dégager une épaisse fumée.
J’ai un sentiment étrange et je me dis qu’après avoir marché des heures, c’est le bon moment, le bon endroit. Après avoir échangé quelques mots avec le garçon de café, je décide de m’accroupir pour avoir une meilleure prise de vue. J'ai le cadre, la bonne composition, je shoot 2-3 photos pour régler la lumière et le cadrage et j’attends…
C’est au moment de me relever qu’elle arrive, juste derrière moi, un peu comme dans un scénario, comme si la scène avait été écrite… Elle marche, sac sur l’épaule, valise à la main et un pas déterminé, pressé. Elle me donne l'impression de fuir, de quitter quelque chose. Mon instinct me parle, j'imagine la scène, j’observe.
Je réalise que je n’ai pas le temps de remettre l'œil dans l’objectif… Appareil à la verticale, debout et bras tendu vers le sol, je décide alors de shooter. Pas encore le réflexe du mode rafale, je déclenche une fois, une seule et en quelques secondes à peine la scène est terminée. Cette personne, la voiture… elles ne sont plus.
Épuisé de ma journée et toujours immobile, je réalise que je viens sans doute d'avoir mon meilleur shoot de la journée.
Il ne me reste plus qu'à poser les yeux sur mon appareil et regarder l'instant saisi.
Le voici.
Appareil photo : Canon 70D
Objectif : Sigma 35mm
Réglages : 35mm | f/1,4 | 1/640s | ISO 100
Musique écoutée lors de l'écriture : Kratos - PNL